ishime: (juugo - hell yeah)
[personal profile] ishime
Disclaimer : Tsubasa Reservoir Chronicle et ses personnages appartiennent à CLAMP, pas à moi.
Rating :
PG, discrimination plus ou moins violente.
Notes :
Se déroule dans le monde Tokyo, après le départ des héros.
Ecrit pour ce meme à corvées, sur le prompt  d'ylg, "changer les draps".Bouclé aujourd'hui, pour cause de syndrome de l'écran blanc. >__>

Depuis l'arrivée de Fûma, les choses n'ont cessé de changer à la tour. Pour le meilleur ou pour le pire, Yuzuriha serait bien incapable de le dire. Tout est toujours compliqué, tellement plus compliqué qu'un simple "bon" ou "mauvais". Quel sens peut encore avoir le "bien" dans un monde rongé par l'acide ? Et comment Yuzuriha pourrait-elle le savoir, quand elle n'a aucun souvenir d'avant le cataclysme qui a réduit un pays entier aux ruines de sa capitale ?
Et le peu qu'elle tenait pour acquis s'est fissuré puis effondré, un éclat après l'autre.

Yuzuriha ne dira pas que tout va mieux ou plus mal depuis que Fûma est venu à la Tour. Elle ne pense pas en ces termes ; comme tous ceux qui ont grandi sous un ciel menaçant, elle a abandonné l'usage de tels mots. Elle ne sait, ne dira qu'une chose : elle aime beaucoup Fûma.
Même maintenant que la tour est déserte et condamnée à être rongée par l'acide, que ses habitants doivent vivre avec leurs ennemis de toujours et qu'il est reparti après de brefs adieux, son éternel sourire aux lèvres et sans se retourner, elle lui conserve une place dans son coeur. N'est-ce pas, dans le fond, tout ce qui importe ?

Ceux de la Mairie ne sont pas très amicaux envers ceux de la Tour, moins encore envers les combattants qui tentaient de voler leur eau.
Yuzuriha sourit tout de même. Les choses finiront pas s'arranger en insistant un peu ; et si elles ne s'arrangent pas et bien, tant pis, Yuzuriha ne se laissera pas démoraliser pour si peu. Elle remplit les corvées dont on l'assomme sous des prétextes variés, en fredonnant de vieilles comptines et en caressant la médaille d'Inuki accrochée à son cou. Rapidement, des enfants commencent à tourner autour d'elle sans oser l'aborder, attirés par ses chansons et sa démarche sautillante.
Yuzuriha leur sourit, mais leurs parents les entraînent plus loin, et elle doit retourner à son travail.

Elle ne se décourage pas.
Pas immédiatement.

Au bout de trois semaines de ce traitement, les nerfs de tous les anciens combattants de la Tour sont à vif. Ils sont devenus un symbole de la guerre qui a opposé la Tour et la Mairie ; même leurs anciens concitoyens s'éloignent d'eux, pour ne pas être rejetés par hôtes ou peut-être parce qu'ils commencent à les haïr eux aussi, c'est difficile à dire.
Karen est plus provocatrice que jamais ; chaque jour, on a l'impression qu'elle dévoile d'avantage de peau. Elle traverse les couloirs d'une démarche féline, avec le regard d'un conquérant ; ses sourires sont passés de gentiment moqueurs à sardoniques, et ses oeillades de très amicales à assassines. Quelques uns se sont risqués à lui reprocher son attitude ; elle a pris un malin plaisir à les humilier sans jamais recourir à la force ou aux armes. Yuzuriha a eu du mal à ne pas rougir en assistant à la conversation, et elle est certaine d'avoir manqué la plupart des sous-entendus insultants de Karen - dont le talent pour mêler allusions vulgaires et humiliantes avec un langage très soutenu était proverbial à la Tour. 
Arashi paraît presque muette par comparaison. Elle se déplace désormais dans un silence parfait, presque en rasant les murs, et recourt à ses dons de double-vue pour éviter les habitants originaux de la Mairie. Un soir, au début de la cohabitation, l'un d'eux a essayé de lui lancer une pierre. Elle l'a esquivée sans difficulté, et a regardé son agresseur s'approcher d'elle, suivi de quatre ou cinq autres... C'est à ce moment que Sorata l'a rejointe, et d'après ce que Yuzuriha a pu entendre par la suite, il a vraiment failli leur tordre le cou.

Chaque fois qu'elle pense à tous ces changements, Yuzuriha regrette un peu plus le départ de Fûma. C'est lui qui lui a appris à sourire et rester enthousiaste en toutes circonstances, et il le faisait encore mieux qu'elle. Pas une fois elle n'a vu son sourire tomber, elle l'admirait autant pour ça que pour tout le reste, et son ton léger lui manque atrocement - peut-être parce qu'elle est la seule à ne pas bénéficier de ses propres efforts, et qu'elle aimerait avoir quelqu'un pour la soutenir, elle aussi.
Chaque fois qu'elle croise le regard hostile d'un habitant, elle porte la main à la médaille d'Inuki et la serre dans son poing, en priant pour qu'il lui envoie la force de continuer. Ce doit être un peu ridicule, et sa main lui fait parfois mal quand elle serre trop fort, mais elle se sent plus courageuse, Inuki à ses côtés.

Ce matin là, elle trottine jusqu'aux chambres d'enfants où on l'a envoyée s'occuper des lits. Le bruit de ses pas résonne dans les couloirs, et elle ne parvient pas à s'en amuser ; elle garde la tête tournée vers les murs, par peur que son sourire se brise sous les regards aggressifs des habitants. Malgré ses efforts pour ne rien laisser transparaître, sa démarche manque cruellement d'entrain. Elle a renoncé à éloigner sa main de la médaille d'Inuki, et la presse contre elle pour en tirer le courage et l'énergie de chanter.
La femme chargée de la "superviser" grimace quand elle entre dans la salle et détourne les yeux sans un mot - ni bonjour, ni insulte. Yuzuriha essaie de le prendre comme une amélioration, sans y arriver. Elle déteste ce genre de silence, si lourd qu'il en devient presque impossible à briser. Elle secoue la tête pour chasser ces pensées accablantes, et remarque que la femme l'observe avec une grimace peu amène. Avant qu'on ne puisse l'accuser de lambiner,Yuzuriha marche jusqu'au lit. Elle relâche la médaille à regret, libérant sa main pour enlever le drap, qu'elle lève au dessus de sa tête, comme une barrière entre elle et l'hostilité oppressante de celle qui l'épie.
Puis elle prend ce qui lui reste de courage à deux mains et commence à chanter. Sa voix lui semble petite et aigüe, une suite de piaillements pitoyables, et ne suffit pas à couvrir le sifflement rageur de l'autre côté du drap.
Des pas dans le couloir lui évitent une nouvelle altercation.

Le géant - l'un des combattants de la Mairie - s'arrête sur le seuil et fixe quelque chose de l'autre côté de la pièce. Sans doute l'autre femme, décide Yuzuriha. Des souvenirs de batailles lui reviennent, de capuches qui tombent dans les courses effrénées pour éviter les balles, d'un grand gaillard protégeant une fillette séparée de son frère qui hurle, de son sourire sincère, déplacé sur un champ de bataille. Quand elle se concentre à nouveau sur le présent, elle le voit grimacer un peu, et se souvient de la présence d'une autre femme dans la pièce - qui doit vraiment avoir l'air furieuse, pour lui arracher une expression pareille. Il laisse sa grimace glisser de son visage et traverse la pièce à grand pas, sortant du champ de vision de Yuzuriha.
"Laissez," ordonne-t-il à la femme. Son ton est à la fois paisible et intraitable, et ce mélange rappelle inexplicablement Fûma à Yuzuriha, "je vais finir. Votre fille vous attend."
"Mais Kusanagi-san..."
"Allez-y, allez-y."
Yuzuriha savoure l'absence d'agressivité dans cette voix - il y a trop longtemps que les gens autour d'elle sont tendus, au mieux sur la défensive. Elle sent la pression qui l'écrasait depuis plusieurs jours se relâcher un peu, et retourne à sa tâche avec plus d'énergie.

Elle piaille presque de surprise quand ses mains larges se referment sur le drap qu'elle ne parvient pas à empêcher de traîner par terre. Elle lâche prise et regarde le bout du drap s'élever de plusieurs centimètres au dessus du sol. Bizarrement, ce détail fait paraître Kusanagi encore plus immense. Elle reste pensive quelques instants avant de se rendre compte qu'elle le fait attendre. Elle se penche, ramasse le bas du drap et le replie ; il abaisse les coins qu'il tient et les ramène à sa hauteur. Leurs mains se frôlent tandis qu'ils rabattent les coins les uns sur les autres ; elle profite de cette levée de rideau pour jeter un coup d'oeil au visage du géant, et découvre qu'il lui sourit. Un vrai sourire, discret mais sans crispation au coin de la mâchoire pour trahir le mensonge - le même que celui qu'il avait pour la petite fille, ce fameux jour.
Elle bat des paupières, surprise, charmée. Elle se sent légère, tout à coup, et avant de s'en rendre compte, elle sent un petit sifflotement lui échapper. Elle secoue la tête et lui rend son sourire ; elle a l'impression que c'est le plus large qu'elle ait jamais fait.
"Eh bien petite, tu es plus jolie quand tu souris," lui dit-il en prenant le drap pour terminer de le plier.
Elle s'immobilise, pas vraiment vexée mais un peu déçue d'être appelée "petite". Elle a cessé de se considérer comme une enfant il y a longtemps. Puis elle se rend compte que si elle vient d'entendre son nom, il ne connaît sans doute pas le sien.
"Je suis Yuzuriha !" Et sans attendre sa réaction, elle se précipite vers le lit pour enlever la couverture et l'oreiller. "Yuzuriha Nekoi," ajoute-t-elle tandis qu'il la rejoint et se penche vers le lit voisin.
Il se redresse, tend le drap qu'il vient d'enlever devant lui et elle s'approche pour l'aider à nouveau. Elle a envie de rire, de fredonner mais n'ose pas, de peur de l'agacer.
"Kusanagi Shiyu."
Elle ramène soigneusement ses coins du drap sur les mains de Kusanagi, le laisse les prendre et recule pour s'incliner.
"Enchantée !"
Il s'interrompt et la regarde faire, surpris ; il termine de plier le drap, le pose sur le premier - il n'a même pas besoin de se déplacer pour le faire, constate Yuzuriha, impressionnée - puis il l'imite.
"Enchanté."
Elle sent son regard dans son dos pendant qu'elle cavale d'un lit à l'autre en fredonnant tout bas. A sa propre surprise, elle trouve la sensation presque agréable.

Quand ils ont fini, elle se plante face à Kusanagi et se balance d'un pied sur l'autre en prenant ce que Karen appelle sa "mine de chat". Fûma riait toujours en la voyant obtenir tout et n'importe quoi grâce à cette mimique - mais Fûma n'est plus là, et ses amis sont trop nerveux pour qu'elle leur impose ses caprices. Elle porte la main à son cou et caresse la médaille d'Inuki, espère de toute ses forces avoir fait bonne impression sur Kusanagi.
Il pose sa main sur sa tête et lui caresse les cheveux.
"C'était la médaille de ton chien ?" demande-t-il.
Elle reste muette de surprise.
"Tu devais l'aimer beaucoup, pour porter son nom autour de ton cou." Il détache son regard du sien pour le laisser dériver quelque part dans un coin de la pièce. "Les animaux sont toujours plus tendres que les hommes, et les chiens aiment les enfants."
Yuzuriha reste muette de stupeur. Hormis Fûma, elle n'avait jamais rencontré quelqu'un qui comprenne vraiment ce que signifie cette médaille pour elle.
Kusanagi écarte sa main de sa tête.
"Comment s'appelait-il ?"

C'est à ce moment là, sur le seuil d'une chambre d'enfants déserte, une pile de draps sales dans ses bras et deux portées par Kusanagi, que Yuzuriha tombe amoureuse de lui.
"Inuki," murmure-t-elle. "Il s'appelait Inuki."
Elle se détourne et prend la direction de la buanderie, en écrasant le drap contre sa poitrine pour se frotter les yeux.
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